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Avec « Speak No Evil », le réalisateur James Watkins fait souffler un vent d’effroi dans la campagne anglaise

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
On avait découvert le réalisateur britannique James Watkins, en 2008, avec un thriller particulièrement perturbant, Eden Lake. Pour qui a encore en tête ce premier long-métrage, le choix de réaliser un remake, produit par la compagnie américaine Blumhouse, du film danois Ne dis rien, sorti en 2022, ne paraîtra pas étonnant. La situation sur laquelle est bâti le film d’origine, signé Christian Tafdrup, ne pouvait qu’inspirer un cinéaste qui avait déjà réussi à construire un récit se nourrissant d’une forme de description sociologique et anthropologique de ses protagonistes.
Ben et Louise Dalton, un couple d’Américains installés à Londres, en vacances en Italie avec leur fille, rencontre les Field, un médecin anglais, son épouse et leur gamin muet en raison d’une malformation. Les familles sympathisent, quoique de tempéraments différents, et les Field proposent à leurs nouveaux amis de passer quelques jours chez eux, dans la campagne anglaise. Ils acceptent, mais ce qui devait constituer des moments de détente va, progressivement, se transformer en cauchemar.
L’intérêt réel du film de James Watkins réside dans la manière dont les personnages sont adroitement esquissés, dont leur psychologie est discrètement reliée à des habitudes de classe, dont leur identité sociale détermine une série de comportements. Les Dalton sont des bourgeois moyens déclassés, les Field semblent être des transfuges de classe, plus libres de mœurs, moins coincés, moins bridés par les conventions de la société. La retenue hypocrite des uns formant un contraste avec la désinhibition des autres, et tout particulièrement du chef de famille, incarné, avec une certaine exubérance menaçante, par James McAvoy.
C’est avec la succession d’une série de détails insignifiants et triviaux que s’installe progressivement une sorte de malaise, jusqu’à la révélation finale. La dernière partie du film sacrifie certes aux conventions un peu rebattues du film de terreur. Mais, durant une heure cinquante, on aura eu le loisir de constater que l’inquiétude ressentie par le spectateur était essentiellement provoquée par le caractère familier et banal d’êtres plutôt antipathiques, parce que trop ordinaires, et d’événements plutôt anodins. La peur se niche ici dans la reconnaissance d’une vie sans relief et sans qualité, et l’observation d’une réalité désarmante de médiocrité.
Film américain de James Watkins. Avec Mackenzie Davis, James McAvoy, Aisling Franciosi, Scoot McNairy (1 h 50).

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